Charge à haute puissance : poudre aux yeux ou nouveau graal électrique ?

Publié le 22 février 2018 à 09h00 | Fabrice SPATH | 4 minutes

A l'horizon 2021, plusieurs centaines de bornes de recharge à haute puissance auront été installées en Europe

Partout en Europe fleurissent des stations de charge à haute puissance. Capable de délivrer jusqu’à 350 kW, ces corridors principalement autoroutiers ne sont pourtant que très partiellement compatibles avec les véhicules électriques actuels. Alors pourquoi constructeurs et écosystème décident-ils d’investir dans ces projets ?

50, 100, 150 voire même 350 kW : sur le marché de l’infrastructure de charge, la course à la puissance a été véritablement initiée en 2015 par le groupe Volkswagen au salon de Francfort, lors de la présentation des concepts Audi e-tron Quattro, Porsche Mission E … et des premières révélations du scandale des moteurs diesels truqués. Depuis, le sujet de la charge à haute puissance – injustement qualifiée d’ultra-rapide – a fait des émules et les projets de corridors capables de délivrer jusqu’à 350 kW se multiplient partout en Europe.

 

Premiers déploiements

Dernier exemple en date : au Royaume-Uni, le gestionnaire du réseau National Grid – l’équivalent britannique de RTE – a récemment dévoilé son très ambitieux projet destiné à alimenter les véhicules électriques sur de longs parcours. Au total, 50 stations pourraient être déployées à terme, chacune étant dotée de 50 bornes de recharge. De quoi recouvrer environ 300 km d’autonomie réelle en 30 minutes environ. Une formidable prouesse technologique qui suscite les convoitises.

Outre-Rhin, le consortium privé IONITY créé à l’initiative des constructeurs allemands et de Ford a installé en décembre dernier ses premières stations au Danemark. Au même moment, les premières bornes du programme Ultra-E sont sorties de terre dans la région de Munich. Même Renault s’est investi dans le sujet en soutenant le projet E-VIA FLEX-E dont les stations desserviront le sud de l’Europe, dont la France et l’Italie. Constructeurs, énergéticiens, équipementiers et opérateurs se mobilisent pour rassurer les futurs propriétaires quant à la panne d’énergie.

 

150 kW d’abord, 350 kW plus tard

Autant d’initiatives souvent cofinancées par l’Union européenne qui ne sont pourtant compatibles avec aucun des véhicules à batteries rechargeables actuellement aux catalogues. Tout juste le crossover Kia Soul EV et la berline Hyundai IONIQ Electric acceptent-ils des puissances de charge équivalentes à 100 kW. Et encore, le modèle Kia est doté d’une prise type 4 (CHAdeMO) et n’est donc pas le bienvenu sur cette nouvelle infrastructure qui a adopté le standard CCS avec prise Combo2.

Pour trouver des modèles partiellement compatibles, il faudra attendre le second semestre 2018 lorsque les premiers SUV Audi e-tron Quattro et Jaguar i-Pace seront livrés à leurs clients. Avec leurs imposantes batteries développant une capacité de 90 kWh – contre 41 kWh sur l’actuelle Renault ZOE –, le temps de charge sera limité à 45 minutes sur une station de 150 kW pour le premier, de 100 kW pour le second. Suivront à l’horizon 2020 les versions de série des concepts Porsche Mission E, Volkswagen I.D. et I.D. CROZZ dont la puissance de charge maximale sera également plafonnée à 150 kW.

 

Quel modèle économique ?

Alors pourquoi investir dans une infrastructure coûteuse – la National Grid évoque un investissement d’un milliard de livres – alors que l’offre de véhicules ne sera pas dotée de la technologie avant de nombreuses années ? Vraisemblablement pour installer les premiers des bornes sur des aires d’autoroutes où le foncier et l’alimentation électrique sont souvent comptés. Des équipements qui, en attendant, pourront faire le plein d’énergie à des puissances inférieures, une façon de rentabiliser les lourds investissements.

Dans cette bataille, seul Nissan semble ne pas vouloir jouer la surenchère. Après avoir mis à jour ses quelque 2 100 bornes CHAdeMO (50 kW) en Europe dans le cadre du lancement de sa nouvelle LEAF, le constructeur participe à des projets de corridors mais rechigne à se lancer dans la haute puissance. Raison évoquée : son objectif étant d’apporter gratuitement une solution de charge rapide (40 mn) à ses clients, investir dans des infrastructures surdimensionnées n’a économiquement aucun sens. Du moins pour l’instant …

Fabrice SPATH

Cofondateur du site, Fabrice roule en électrique la semaine et en hybride rechargeable le week-end. Après être passé par la case ingénierie chez des constructeurs et équipementiers outre-Rhin, il collabore régulièrement avec la rédaction et travaille au développement de la place de marché.



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