Pourquoi le coronavirus va-t-il retarder les livraisons de véhicules électriques

Publié le 11 février 2020 à 07h02 | Fabrice SPATH | 4 minutes

Impactés par les fermetures de leurs sous-traitants chinois, les constructeurs automobiles asiatiques et occidentaux réduisent ou suspendent leur production

Impactés par les fermetures de leurs sous-traitants chinois, les constructeurs automobiles asiatiques et occidentaux réduisent ou suspendent leur production

ANALYSE - Si l’OMS n’a pas encore classé le coronavirus en pandémie, les industriels sont confrontés aux ruptures d’approvisionnements de leurs sous-traitants chinois. Si Tesla a été contraint par les autorités de reporter la réouverture de son usine à Shanghai, Hyundai a pris la décision radicale de fermer ses sept usines en Corée. Le fabricant de batteries LG Chem a quant à lui d’ores et déjà annoncé que les livraisons clients seront retardées.


Alors que la nouvelle réglementation en matière d’émissions de CO2 pour le secteur automobile est entrée en vigueur le 1er janvier dernier en Europe, l’épidémie de coronavirus 2019-nCoV qui frappe la Chine pourrait retarder la mise en conformité de nombreux constructeurs qui électrifient à marche forcée leurs gammes. Et quand bien même l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) préfère parler de « défi planétaire » plutôt que de pandémie, les conséquences du virus qui infecte les voies digestives et respiratoires impactent déjà le bon fonctionnement de l’économie mondiale.

 

Ruptures dans la chaîne d’approvisionnement

Premier marché automobile de la planète, l’ex-Empire du Milieu a bloqué le redémarrage de nombreuses usines au lendemain des traditionnels congés du Nouvel An, le week-end des 1er et 2 février. Résultat : les sous-traitants qui alimentent en composants les constructeurs et équipementiers automobiles ne peuvent honorer leurs commandes, créant de fait une rupture dans la chaîne d’approvisionnement.

Interrogé par le quotidien Le Monde, Ludovic Subran, chef économiste du groupe d’assureur allemand Allianz, confie : « Avec l’hyperspécialisation des chaînes de valeur, il devient de plus en plus difficile de remplacer un fournisseur par un autre. » Traduction : l’usine du monde est progressivement devenue incontournable dans la production de biens textiles, pharmaceutiques - le pays fabrique 60 % du paracétamol consommé dans le monde - ou encore automobiles. Et lorsque l’industrie chinoise tourne au ralenti, c’est l’ensemble de l’économie mondiale qui est affectée.

Émissions de CO2 : ces milliards que devront payer les constructeurs 

Hyundai Motor, Samsung Motors, Tesla Shanghai à l’arrêt

Victime collatérale de cette pandémie qui n’en a pas encore le nom, les constructeurs qui, faute de composants, doivent reporter la production ou - mesure beaucoup plus radicale - fermer des sites d’assemblage. Interrogé par le quotidien du soir, un cadre d’un groupe français explique que « certains constructeurs comme Volkswagen perdent 100 000 voitures par semaine de retard de production. »

Si l’américain Tesla a obtenu il y a quelques heures l’approbation des autorités pour rouvrir sa Gigafactory 3 qui assemble depuis la fin d’année dernière des Model 3 pour le marché local, la situation est catastrophique pour le sud-coréen Hyundai Motor. Cinquième groupe automobile mondial, l’industriel de Séoul a décidé la semaine passée de fermer ses sept usines en Corée, mettant au chômage technique quelque 25 000 salariés. Raison évoquée : la rupture d’approvisionnement en composants de câblages électroniques. Hier lundi, Samsung Motors, la filiale coréene du groupe Renault, a elle aussi décidé de fermer temporairement les portes de son site de Busan.

En 2018, LG Chem disposera de la plus grande usine de batteries en Europe  

Menaces sur la fourniture de batteries Lithium-Ion

Son compatriote LG Chem, l’un des premiers fabricants de batteries Lithium-Ion pour véhicules électriques - qui sont notamment embarquées dans la Renault ZOE - a lui aussi annoncé en fin de semaine dernière que les délais de livraison seront significativement impactés par le coronavirus. Ajoutant que si les autorités chinoises sont amenées à renforcer les mesures d’isolationnisme, son site de Nanjing pourrait ne plus être en mesure d’assurer les approvisionnements des modules de batteries vers la Corée. Aucun mot en revanche pour son usine européenne installée en Pologne, dont la mission est d’alimenter les constructeurs du continent.

Une situation d’interdépendance qui aura des répercussions sur les livraisons de certains modèles électriques sous nos latitudes. Si, il y a deux ans, les délais de livraisons de ce type de véhicules étaient essentiellement retardés par des capacités de production sous-dimensionnées, il n’en est plus de même en ce début 2020. Contraints, les constructeurs ont tous anticipé la réglementation en proposant une large gamme de véhicules à batteries rechargeables, sous peine de s’exposer à de lourdes pénalités financières. Si l’épidémie n’est pas jugulée rapidement, elle pourrait bien entamer les efforts engagés par ces derniers afin de réduire leurs émissions moyennes de CO2.

Fabrice SPATH

Fabrice SPATH

Cofondateur du site, Fabrice roule en électrique la semaine et en hybride rechargeable le week-end. Après être passé par la case ingénierie chez des constructeurs et équipementiers outre-Rhin, il collabore régulièrement avec la rédaction et travaille au développement de la place de marché.

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