La voiture électrique est-elle une escroquerie ?

Publié le 29 janvier 2015 à 20h28 | Fabrice SPATH | 6 minutes

La Renault ZOE est la voiture électrique la plus vendue en France depuis sa commercialisation au printemps 2013

D’année en année, les véhicules électriques trouvent leur place dans le paysage automobile français. Réponse des constructeurs aux normes d’émissions polluantes, la voiture électrique est bien souvent la cible de nombreuses critiques : autonomie insuffisante, bornes de recharge publique inexistantes, production polluante des batteries, électricité d’origine nucléaire, … Face aux partis pris et autres idées reçues, la rédaction de BreezCar a mené l’enquête.

 

Une petite citadine sous-motorisée ?

Le phénomène d’électrification touche tous les segments, des citadines Renault ZOE et Volkswagen e-up! aux berlines compactes Nissan LEAF et Volkswagen e-Golf, en passant par le crossover urbain Kia Soul EV et la routière Tesla Model S. L’ensemble de ces modèles 100 % électriques est doté d’une puissance supérieure à 110 ch, soit l’équivalent de la puissance moyenne du parc automobile français. Limitée électroniquement pour réduire la consommation énergétique, la vitesse maximale frôle les 150 km/h. Avec ses 362 ch minimum, la Tesla Model S est hors catégorie.

 

Une autonomie insuffisante ?

L’autonomie en conditions réelles d’utilisation oscille entre 110 km et 170 km sur tous les modèles électriques du marché. Celle-ci varie en fonction du type de parcours (ville, route ou autoroute), de l’utilisation des auxiliaires (chauffage/climatisation essentiellement) et du style de conduite. Contrairement aux idées reçues, une voiture électrique peut devenir la voiture principale du foyer et son kilométrage annuel peut aisément dépasser les 10 000 km. Pour preuve, la berline compacte Nissan LEAF – véhicule électrique le plus vendu au monde – constitue le véhicule principal pour 90 % des acheteurs au Royaume-Uni. Lesquels parcourent près de 17 000 km/an à son volant. A condition que celle-ci correspondent à leurs réels besoins de mobilité.

 

Un prix prohibitif ?

La voiture électrique est souvent accusée d’être trop cher à l’achat. Pourtant, à finitions et équipements équivalents, un modèle à batterie n’est pas plus onéreux qu’un véhicule diesel. L’absence d’embrayage, d’huile ou de courroie réduit aussi considérablement le budget entretien. Et grâce au bonus « écologique » de 6 300 euros, la Renault ZOE est disponible à partir de 15 700 euros et la Nissan LEAF à partir de 18 060 euros. Sur les modèles Renault, la location de la batterie est obligatoire (à partir de 49 euros/mois). A titre de comparaison, une Renault Clio diesel DCi de 90 ch démarre à 18 000 euros.

 

Un temps de charge trop long ?

La recharge d’une batterie se fait dans plus de 90 % des cas à domicile et de nuit, soit dans un garage, soit sur une place de stationnement d’un immeuble d’habitation. Très souvent, une prise de courant domestique dédiée suffit à cet usage. Le temps de charge complet est de 8 à 12 heures dans ces conditions (fonction de la taille de la batterie). Pour réduire cette durée, il est possible d’installer une borne de recharge compacte résidentielle (Wallbox), faisant passer le temps de charge à 5-6 heures environ. Dans l’espace public, les propriétaires de véhicules électriques pourront trouver des bornes « accélérées » déployées par les collectivités (1h30 sur une ZOE) ainsi que des bornes de recharge rapide (30 minutes pour 80 % de l’autonomie recouvrée).

 

Des bornes de recharge trop rares ?

A fin 2014, plus de 8 000 bornes de recharge étaient opérationnelles dans l’espace public. Grâce au soutien de l’Etat, les collectivités ont déjà programmé l’installation de plus de 5 000 bornes sur l’ensemble du territoire. A ces initiatives publiques s’ajoutent celles des acteurs privés qui, comme Nissan, ont permis de déployer 250 bornes de recharge rapide sur les parkings des enseignes Auchan, Cora, Ikea ainsi que sur certaines stations-services Avia et BP. D’ici le printemps 2016, 200 autres bornes rapides seront installées par EDF sur les autoroutes de la frontière Est de la France. Enfin, le groupe Bolloré va développer sur les 4 prochaines années un réseau de 16 000 points de charge.

 

Une voiture nucléaire ou au charbon ?

En France, l’électricité principalement issue de la fission nucléaire est un atout et un handicap pour les véhicules électriques. Un atout compte-tenu de l’absence d’émissions polluantes (CO2, NOx, particules, …) des centrales nucléaires, ce qui n’est pas le cas dans d’autres pays (notamment chez nos voisins allemands utilisant de la lignite pour leurs centrales thermiques). Un handicap en raison de la grande difficulté à recycler les déchets issus de la fission. Le véhicule électrique n’ayant pas vocation à remplacer intégralement les parcs automobiles nationaux et sa consommation n’excédant pas celle d’un chauffe-eau, on peut difficilement l’accuser de favoriser l’ouverture de nouvelles centrales. Mieux : un modèle électrique pourra se transformer à terme en batterie mobile alimentant le domicile ou le réseau pour "effacer" les pics de consommation.

 

Des batteries peu performantes ?

Appliquée aux batteries des véhicules électriques, la technologie Lithium-Ion (identique à celle utilisée sur les smartphones et les ordinateurs portables) ne s’embarrasse plus des effets mémoires et des pertes importantes de capacité des batteries d’ancienne génération. Elles ont été conçues pour avoir une durée de vie supérieure à 10 ans incluant plus de 1 500 cycles complets de charge/décharge. Concernant les pertes de capacité lors des charges rapides, un propriétaire américain d’une Nissan LEAF a perdu environ 20 % de son autonomie en parcourant plus de 160 000 km et en se rechargeant deux fois par jour sur une station rapide. En conditions normales d’utilisation, cette perte d’autonomie est bien plus limitée. Garantie 5 ans ou 100 000 km, la batterie peut également être louée sur les modèles Nissan et Renault. Une formule qui permet de ne pas se soucier du remplacement à terme de l’accumulateur.

 

Des batteries polluantes ?

Si la batterie Lithium-ion présente bien plus d’avantages que ses prédécesseurs, elle est aussi accusée de favoriser la pollution des nappes phréatiques des pays d’Amérique latine. Métal le plus léger de la planète, le Lithium se trouve à l’état naturel dans la saumure des marais salants principalement présents sur les plateaux andins d’Argentine, de Bolivie et du Chili. Après évaporation, le carbonate de Lithium est ensuite obtenu par procédé chimique (chaux + carbonate de sodium). Mais le pompage de l’eau raréfie cette ressource et l’ajout de produits chimiques pollue les nappes. Pour favoriser un approvisionnement « durable » en Lithium, les industriels sont amenés à faire de nombreux efforts sur les prochaines années. En Europe, même si une directive de l’UE impose aux industriels de collecter et de recycler leurs batteries en fin de vie, le Lithium est rarement pris en compte en raison de sa faible valeur sur le marché. La filière travaille sur la réutilisation des batteries de véhicules électriques dans le stockage de l’énergie issue du renouvelable (éolien et solaire).

Fabrice SPATH

Cofondateur du site, Fabrice roule en électrique la semaine et en hybride rechargeable le week-end. Après être passé par la case ingénierie chez des constructeurs et équipementiers outre-Rhin, il collabore régulièrement avec la rédaction et travaille au développement de la place de marché.



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