Ford : l’électrification ou les sanctions financières

Publié le 09 février 2021 à 07h16 | Fabrice SPATH | 5 minutes

En retard sur le véhicule électrique, Ford annonce un doublement de ses investissements dans l’électrification de ses modèles

En retard sur le véhicule électrique, Ford annonce un doublement de ses investissements dans l’électrification de ses modèles

ANALYSE - Tancé par la pandémie mondiale de coronavirus et par son rival General Motors, Ford a enregistré une perte nette supérieure à 1 milliard d’euros sur l’exercice 2020. Une mauvaise nouvelle doublée d’une autre concernant les pénalités financières liées au non-respect des normes d’émissions en Europe. Pour pérenniser ses activités, le groupe automobile américain double ses investissements dans l’électrification de ses modèles. Sans être certain de réussir son pari sous nos latitudes.


L’automne dernier, Ford formait avec Volvo un groupe destiné à mettre en commun les émissions de CO2 en Europe des deux industriels et tenter d’éviter de verser une amende pour non-respect de la réglementation CAFE (Corporate Average Fuel Economy). Une pratique mise en œuvre précédemment par Fiat Chrysler Automobile (FCA) avec Tesla et Honda mais aussi par Mazda qui s’est associé à son compatriote Toyota.

Malgré l’emploi de cette stratégie, proche de l’agrément de circonstance mais autorisée par le régulateur, le groupe formé par l’américain et le suédois n’a pas réussi à atteindre l’objectif de réduction de ses émissions de CO2, fixé à 95 grammes par kilomètre sur l’ensemble d’une gamme.

 

Amendes et pertes financières

Selon l’ONG ICCT (International Council Clean Transportation), les trois groupes de constructeurs précédemment cités n’ont pas atteint l’objectif fixé pour 2020. Tout comme le groupe Volkswagen avec qui Ford a noué l'an passé un accord mondial portant notamment sur l'emploi de la plateforme modulaire MEB destinée à accueillir deux modèles "zéro émission" de la firme américaine à compter de 2023.

À raison de 95 euros le gramme excédentaire par véhicule neuf commercialisé, ces industriels devront s’acquitter d’une amende dont le montant total se chiffrerait à plusieurs centaines de millions d’euros. Et ce malgré les abattements liés aux « éco-innovations », aux super-crédits générés par la vente de véhicules électrifiés et l’absence de comptabilisation des 5 % des véhicules les plus émetteurs.

C’est dans ce contexte difficile que Ford a annoncé vouloir doubler ses investissements dans l’électrification d’ici 2025. Moins de 10 jours après que son rival General Motors (GM) a indiqué son intention de renoncer à la production de véhicules thermiques d’ici 2035, l’industriel de Dearborn n’a eu d’autre choix que de riposter après une année 2020 difficile, où le chiffre d’affaires s’est replié de 18,5 % (à 127,1 milliards de dollars, soit 105 milliards d’euros), avec une perte nette de 1,3 milliard de dollars (1,1 milliard d’euros). Sur les trois derniers mois de l’année 2020, la perte a même atteint 2,8 milliards.

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SUV et utilitaires électriques

À l’occasion de la présentation de ces résultats financiers décevants, le PDG James Farley a précisé que les investissements liés à l’électrification de ses modèles seront doublés à plus de 22 milliards de dollars (18,4 milliards d’euros) sur les quatre prochaines années et que la voiture autonome bénéficiera de 7 milliards de dollars (5,85 milliards d’euros) sur la même période. Et si aucun modèle ou technologie spécifique n’ont été annoncés, M. Farley a révélé que « Tous nos plans seront accélérés. Nous brisons les restrictions, augmentons la capacité des batteries, améliorons les coûts et ajoutons plus de véhicules électriques à notre plan de cycle de produit. »

Une offensive qui vise notamment à doper la production du SUV électrique Mustang Mach-E au sein de son usine de Cuautitlan (Mexique), à entamer la production d’ici la fin 2021 de l’utilitaire E-Transit dans l’État du Missouri (en Turquie pour le marché européen) puis du pickup F-150 Electric l’année suivante dans le Michigan. En outre, deux usines au Canada seront converties afin d’accueillir l’assemblage pour la marque premium Lincoln de deux SUV à batteries. Quant à la Mustang Mach-E, elle sera à terme assemblée en Chine pour le marché local.

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Rattraper son retard sur l’électrique

Ambitieux en apparence, le plan de bataille dévoilé vendredi 3 février par la marque à l’ovale bleu apparaît à bien des égards comme une fuite en avant et une tentative de rattraper son retard sur le marché mondial de la voiture électrique dominé par le californien Tesla. Reportée au quatrième trimestre 2020 en raison de la pandémie de coronavirus, la production cumulée de la Ford Mach-E a atteint 11 000 exemplaires. Mais fin janvier, seules 241 unités ont été livrées aux clients finaux dans le monde.

Sur le Vieux Continent, l’électrification à petite dose de l’ensemble de la gamme via la technologie Mild Hybrid, la familiale hybride Mondeo dont le segment est boudé par les consommateurs - au profit des SUV -, le déploiement d’une chaîne de traction hybride rechargeable sur le nouveau Kuga - les livraisons ont rapidement été suspendues en raison d’un risque d’embrasement de la batterie de traction - et sur l’Explorer aux ventes confidentielles ne permettront vraisemblablement pas à Ford de respecter la réglementation CO2 sans faire appel à un véhicule électrique à grande diffusion appartenant aux segments B (citadine) ou C (berline compacte).

Pas même les sept déclinaisons superéthanol E85 des Puma, Transit Connect, Fiesta, Focus et Kuga qui seront commercialisées cette année, la motorisation FlexiFuel bénéficiant en France d’un abattement de 40 % sur les rejets de CO2 à l’échappement (65 à 75 g/km). Il faudra donc patienter au moins jusqu'en 2023 pour voir apparaître au catalogue européen un premier modèle "zéro émission" de grande série, basé sur la plateforme MEB de Volkswagen, pour espérer réduire significativement les émissions moyennes du constructeur sur le continent.

Fabrice SPATH

Fabrice SPATH

Cofondateur du site, Fabrice roule en électrique la semaine et en hybride rechargeable le week-end. Après être passé par la case ingénierie chez des constructeurs et équipementiers outre-Rhin, il collabore régulièrement avec la rédaction et travaille au développement de la place de marché.

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