Émissions de CO2 : ces milliards que devront payer les constructeurs

Publié le 24 janvier 2020 à 09h03 | Fabrice SPATH | 4 minutes

Faute d’avoir réussi réduire les émissions de leurs gammes, l’industrie automobile devra débourser quelque 14 milliards d’euros pour non-respect de la norme CAFE en Europe

Faute d’avoir réussi réduire les émissions de leurs gammes, l’industrie automobile devra débourser quelque 14 milliards d’euros pour non-respect de la norme CAFE en Europe

ANALYSE - Soumis à des contraintes grandissantes en matière de normes antipollution, les constructeurs européens électrifient à marche forcée leurs gammes. Objectif : éviter ou réduire le risque de verser des centaines de millions d’euros en pénalités auprès de Bruxelles. Malgré ses efforts, la filière pourrait tout de même être contrainte de payer 14,3 milliards d’euros d’amendes. Et rien n’est moins sûr qu’une éventuelle politique de rabais ou les plateformes communes lui éviteront de passer à la caisse.


Fin 2018, une étude du cabinet britannique PA Consulting révélait que l’introduction de la norme CAFE (Corporate Average Fuel Economy) en 2021 sur le Vieux Continent et basée sur les résultats commerciaux de 2020 pourrait coûter 3,9 milliards d’euros à 8 constructeurs automobiles, parmi lesquels FCA (700 millions d’euros), PSA (600 millions), Ford (430 millions) ou encore Hyundai Kia (300 millions).

 

Une amende de 95 euros par gramme de CO2

Alors que l’année 2020 est considérée comme une répétition générale où les 5 % des véhicules les plus émetteurs ne sont pas comptabilisés, l’ensemble du secteur électrifie à marche forcée ses gammes pour tenter d’exploiter au mieux les super-crédits liés aux voitures électriques et hybrides rechargeables.

Si la moyenne - corrélée au poids moyen du catalogue d’un constructeur - dépasse les 95 grammes de CO2 par kilomètre parcouru, l’industriel devra s’acquitter d’une pénalité financière équivalente à 95 euros par gramme et par véhicule supplémentaires.

Émissions de CO2 : le choc électrique ou les sanctions financières 

Même les bons élèves sont en difficulté

En ce début d’année, PA Consulting publie une nouvelle étude sur le sujet, soulignant que les 13 principaux constructeurs devront payer jusqu’à 14,5 milliards d’euros à compter de 2021. Et le cabinet londonien de préciser que les émissions moyennes ont encore augmenté.

Un phénomène lié à la demande accrue en voitures de forte puissance et en SUV lourds et peu aérodynamique, tandis que la part du diesel dans les ventes de voitures neuves a diminué

Si la tendance se poursuit, les 13 industriels examinés par PA manqueront leurs objectifs de réduction de CO2 fixés par l'UE et devront payer des pénalités. « Les industriels qui étaient naguère les plus performants comme Renault-Nissan-Mitsubishi et Volvo sont maintenant susceptibles de rencontrer des difficultés dans ce domaine. Même Toyota, le leader du marché des véhicules hybrides, n’atteindra probablement pas sa cible » pointe PA.

Émissions de CO2 : pourquoi Fiat achète à Tesla un droit à polluer ? 

Volkswagen, Fiat et Ford parmi les plus exposés

Selon PA Consulting, le groupe Volkswagen encourt la sanction la plus sévère s'il ne change pas de cap très rapidement. Le cabinet table pour le seul groupe de Wolfsburg une amende record d’un montant de 4,5 milliards d’euros. L’industriel allemand devrait manquer son objectif CO2 moyen de 12,7 grammes par véhicule.

Le groupe Fiat Chrysler Automobiles (FCA) est susceptible de dépasser d’environ 27 grammes par véhicule son objectif et devra donc payer une amende de 2,4 milliards d'euros. Pour éviter cet affront, l’industriel italo-américain a acheté au printemps 2019 des « droits à polluer » auprès du californien Tesla pour « plusieurs centaines de millions de dollars ».

D'autres marques seront également frappées par des sanctions de plusieurs milliards d’euros : avec ses 16,2 grammes au-dessus de la valeur cible, Ford pourrait ainsi devoir payer une pénalité de 1,5 milliard d'euros. Daimler est à 11 grammes de son objectif CO2, ce qui pourrait lui coûter 997 millions d'euros. Et BMW devrait s'écarter de l'objectif de CO2 de 7,6 grammes, ce qui entraînerait des amendes d’un montant total de 754 millions d'euros.

Volkswagen : sur la voie d’une voiture électrique neutre en CO2 

« Un seul essai » pour négocier le virage électrique

Parmi les options que la filière pourra mettre en œuvre afin d’éviter les sanctions financières : assurer une politique de rabais afin de dynamiser les ventes de véhicules hybrides rechargeables et 100 % électriques, réaliser des rapprochements ou fusions entre acteurs - à l’image des groupes FCA et PSA - ou encore accélérer le lancement des plateformes communes - comme la MEB chez Volkswagen - destinées à réduire les coûts.

La semaine passée à Berlin, le bavarois Herbert Diess, patron du Konzern Volkswagen, déclarait que son entreprise n’avait droit qu’à « un seul essai » pour négocier le virage de la mobilité électrique et transformer son organisation en « firme technologique ». Et de souligner qu’ « il ne faudrait pas que Tesla soit à VW ce qu’Apple a été à Nokia. »

Lundi 21 janvier, le constructeur californien fondé en 2003 au cœur de la Silicon Valley est passé second au tableau des plus fortes capitalisations boursières du secteur automobile, devant l’allemand et ses 99,8 milliards de dollars, mais derrière le japonais Toyota et ses 202 milliards. Preuve que les analystes financiers sont confiants quant à l’avenir de Tesla et du marché de la voiture électrique.

Fabrice SPATH

Fabrice SPATH

Cofondateur du site, Fabrice roule en électrique la semaine et en hybride rechargeable le week-end. Après être passé par la case ingénierie chez des constructeurs et équipementiers outre-Rhin, il collabore régulièrement avec la rédaction et travaille au développement de la place de marché.

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